Et si la relance passait par l'actionnariat individuel ?
 
Presse Les Echos
Et si la relance passait par l'actionnariat individuel ?
de Charles-Henri d'Auvigny et Aldo Sicurani - 16/08/13 - Malmenés par les gouvernements successifs depuis dix ans, les épargnants individuels contribuent à la santé financière et à la stabilité de nos entreprises. Ils doivent être considérés comme des acteurs à part entière du redressement économique.

Alors que les Français sont assis sur un « tas d'or » de 3.600 milliards d'euros, bien des fées cherchent la formule magique qui permettra de mieux mobiliser cette épargne financière en faveur des entreprises en mal de fonds propres. La France n'a cessé d'explorer sans succès de nouvelles pistes afin de résoudre ce problème et d'accompagner ses entreprises dans leur développement. Toutefois, il en est une qu'aucun rapport n'évoque : l'investissement des citoyens.

Dans l'esprit du public - et du pouvoir politique - une telle idée rime avec Bourse, donc risque. Et les Français n'aimeraient pas le risque. Vraiment ? Le regard se porte trop souvent sur les seuls actionnaires individuels, dont on répète à l'envi que leur nombre ne cesse de baisser depuis 2008, en oubliant qu'il avait été artificiellement gonflé par la dernière vague de privatisations.

 

Mais l'épargnant en actions est beaucoup plus diversifié que cela. Il faut inclure tous les salariés qui investissent dans les entreprises à travers des FCPE, les détenteurs de fonds actions et les souscripteurs de contrats d'assurance-vie en unités de compte. Soit, en tout, 12 millions de personnes qui mobilisent plus de 1.100 milliards !

 

Le négliger est une grave erreur au moment où on assiste à une poussée sensible des étrangers dans le capital des sociétés cotées (à 42,4 % fin 2010), contre moins de 9 % pour les particuliers en direct (13 % en 2000). Les actionnaires individuels sont sensibles à la nécessité de contribuer à la relance de l'économie. Toutefois, étonnamment, aucune des dix recommandations du rapport Berger-Lefebvre ne prévoit de faire appel à eux. Même silence du côté des politiques.

Si l'Etat ne cesse d'augmenter la pression fiscale sur les actionnaires individuels, il ne leur reconnaît toutefois pas le rôle économique majeur qu'ils exercent. Pourtant, cette force tranquille pourrait sans doute contribuer utilement à sortir notre pays du marasme dans lequel il se trouve. Cette population reste totalement ignorée par les différents gouvernements. Le précédent n'avait même pas proposé aux ménages de souscrire au grand emprunt de 2010, contrairement à ce qui se pratique couramment ailleurs.

 

L'épargnant doit être considéré comme un acteur à part entière du redressement de l'économie. Il contribue de façon non négligeable à leur développement et à la création dans notre pays d'un socle d'entreprises saines, créatrices de valeur et d'emplois. D'ailleurs, les sociétés cotées dans lesquelles ils sont déjà fortement présents louent leur fidélité et leur capacité à les accompagner à long terme dans une relation de confiance.

 

Un Etat irrespectueux

Bien sûr, en échange, l'actionnaire individuel attend plus de transparence et de respect. Mais, afin que cette recette soit bénéfique pour tous et surtout pour notre économie, un acteur d'importance doit soutenir les efforts des actionnaires : l'Etat. Or celui-ci ne cesse depuis dix ans de leur mettre des bâtons dans les roues en changeant sans cesse les règles fiscales, revenant sur des promesses passées et ne permettant pas aux citoyens d'envisager sereinement un investissement sans crainte de mesures rétroactives.

 

L'Etat respecte encore moins ceux qui investissent en actions. Pourquoi stigmatiser une population qui contribue au redressement de l'économie, au simple motif que les revenus du capital devraient être autant taxés que ceux du travail ? En réalité, ils le sont plus ! Il faut changer cette image déplorable de l'actionnaire individuel qui serait un vulgaire « capitaliste », opportuniste et exploiteur.

 

Certes, nos concitoyens ont un déficit d'éducation financière. Est-ce une raison pour les infantiliser ? Il est temps que les actionnaires individuels soient respectés, eu égard au rôle actif qu'ils peuvent jouer dans l'économie et des risques en capital qu'ils prennent. Cela est d'autant plus urgent que les experts s'accordent à dire que le rôle des banques dans le financement des entreprises va se réduire de façon sensible à partir de 2014 avec l'entrée en vigueur des accords Bâle III.

 

Est-il normal que les placements sur des livrets garantis soient moins fiscalisés qu'un investissement en actions qui contribue à financer les entreprises tout en représentant pour l'actionnaire une vraie prise de risque ? Saluons au contraire le rôle des 12 millions d'investisseurs qui résistent aux crises boursières et aux vagues de fiscalisation successives. Ils comprennent que l'épargne en actions est le meilleur gage de rentabilité à long terme et qu'elle permet à l'épargnant de décider de ses investissements en toute connaissance de cause, compte tenu de ses propres objectifs et de ceux de l'entreprise.

 

L'actionnariat accroît les responsabilités économiques sociales et politiques de l'individu. C'est une démarche tout sauf malthusienne, individuellement modeste mais collectivement puissante. Il est grand temps que les politiques le comprennent et se débarrassent de ces préjugés qui contribuent à la paralysie de notre pays.

 

Charles-Henri d'Auvigny est le président de la F2IC, Aldo Sicurani en est le délégué général.

 

 

 

Lire l'article sur le site des Echos : http://www.lesechos.fr/economie-politique/monde/debat/0202949574676-et-si-la-relance-passait-par-l-actionnariat-individuel-595623.php

 

 
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