Alors
que les Français sont assis sur un « tas d'or » de
3.600 milliards d'euros, bien des fées cherchent la formule magique
qui permettra de mieux mobiliser cette épargne financière en faveur des
entreprises en mal de fonds propres.
La France n'a cessé d'explorer sans succès de nouvelles pistes afin de
résoudre ce problème et d'accompagner ses entreprises dans leur
développement. Toutefois, il en est une qu'aucun rapport n'évoque :
l'investissement des citoyens.
Dans
l'esprit du public - et du pouvoir politique - une telle idée
rime avec Bourse, donc risque. Et les Français n'aimeraient pas le
risque. Vraiment ? Le regard se porte trop souvent sur les seuls
actionnaires individuels, dont on répète à l'envi que leur nombre ne
cesse de baisser depuis 2008, en oubliant qu'il avait été
artificiellement gonflé par la dernière vague de privatisations.
Mais
l'épargnant en actions est beaucoup plus diversifié que cela. Il faut
inclure tous les salariés qui investissent dans les entreprises à
travers des FCPE, les détenteurs de fonds actions et les souscripteurs
de contrats d'assurance-vie en unités de compte. Soit, en tout,
12 millions de personnes qui mobilisent plus de
1.100 milliards !
Le négliger est une grave erreur au moment où on assiste à une poussée sensible des étrangers dans le capital des sociétés cotées
(à 42,4 % fin 2010), contre moins de 9 % pour les
particuliers en direct (13 % en 2000). Les actionnaires individuels
sont sensibles à la nécessité de contribuer à la relance de l'économie.
Toutefois, étonnamment, aucune des dix recommandations du rapport
Berger-Lefebvre ne prévoit de faire appel à eux. Même silence du côté
des politiques.
Si
l'Etat ne cesse d'augmenter la pression fiscale sur les actionnaires
individuels, il ne leur reconnaît toutefois pas le rôle économique
majeur qu'ils exercent. Pourtant, cette force tranquille pourrait sans
doute contribuer utilement à sortir notre pays du marasme dans lequel il
se trouve. Cette population reste totalement ignorée par les différents
gouvernements. Le précédent n'avait même pas proposé aux ménages de
souscrire au grand emprunt de 2010, contrairement à ce qui se pratique
couramment ailleurs.
L'épargnant
doit être considéré comme un acteur à part entière du redressement de
l'économie. Il contribue de façon non négligeable à leur développement
et à la création dans notre pays d'un socle d'entreprises saines,
créatrices de valeur et d'emplois. D'ailleurs, les sociétés cotées dans
lesquelles ils sont déjà fortement présents louent leur fidélité et leur
capacité à les accompagner à long terme dans une relation de confiance.
Un Etat irrespectueux
Bien
sûr, en échange, l'actionnaire individuel attend plus de transparence
et de respect. Mais, afin que cette recette soit bénéfique pour tous et
surtout pour notre économie, un acteur d'importance doit soutenir les
efforts des actionnaires : l'Etat. Or celui-ci ne cesse depuis dix
ans de leur mettre des bâtons dans les roues en changeant sans cesse les
règles fiscales, revenant sur des promesses passées et ne permettant
pas aux citoyens d'envisager sereinement un investissement sans crainte
de mesures rétroactives.
L'Etat
respecte encore moins ceux qui investissent en actions. Pourquoi
stigmatiser une population qui contribue au redressement de l'économie,
au simple motif que les revenus du capital devraient être autant taxés
que ceux du travail ? En réalité, ils le sont plus ! Il faut
changer cette image déplorable de l'actionnaire individuel qui serait un
vulgaire « capitaliste », opportuniste et exploiteur.
Certes,
nos concitoyens ont un déficit d'éducation financière. Est-ce une
raison pour les infantiliser ? Il est temps que les actionnaires
individuels soient respectés, eu égard au rôle actif qu'ils peuvent
jouer dans l'économie et des risques en capital qu'ils prennent. Cela
est d'autant plus urgent que les experts s'accordent à dire que le rôle
des banques dans le financement des entreprises va se réduire de façon
sensible à partir de 2014 avec l'entrée en vigueur des accords Bâle III.
Est-il
normal que les placements sur des livrets garantis soient moins
fiscalisés qu'un investissement en actions qui contribue à financer les
entreprises tout en représentant pour l'actionnaire une vraie prise de
risque ? Saluons au contraire le rôle des 12 millions
d'investisseurs qui résistent aux crises boursières et aux vagues de
fiscalisation successives. Ils comprennent que l'épargne en actions est
le meilleur gage de rentabilité à long terme et qu'elle permet à
l'épargnant de décider de ses investissements en toute connaissance de
cause, compte tenu de ses propres objectifs et de ceux de l'entreprise.
L'actionnariat
accroît les responsabilités économiques sociales et politiques de
l'individu. C'est une démarche tout sauf malthusienne, individuellement
modeste mais collectivement puissante. Il est grand temps que les
politiques le comprennent et se débarrassent de ces préjugés qui
contribuent à la paralysie de notre pays.
Charles-Henri d'Auvigny est le président de la F2IC, Aldo Sicurani en est le délégué général.
Lire l'article sur le site des Echos : http://www.lesechos.fr/economie-politique/monde/debat/0202949574676-et-si-la-relance-passait-par-l-actionnariat-individuel-595623.php